Tristes brocantes...

Publié le par Michel Aêt

Les brocantes succèdent aux brocantes.

Pas un dimanche dans l’Aisne ou le Nord Seine-et-Marne qui ne compte, dans l’un de nos villages briards, un tel « non événement » local.

Même VSD ne déroge pas à la « règle », qui a tenu sa brocante le 3 septembre.

Le vide-greniers, c’est le vide tout court, aux plan culturel et touristique.

C’est l’occupation par défaut que s’accordent les familles quand l’invité de Michel Drücker est un demi-solde du show-bizz et que le temps semble convenable.

La brocante est au consumérisme ce que l’anus est au tube digestif : l’élément terminal d’un processus.

Regardez ce qu’offrent les étals branlants de ces vide-greniers : ils révèlent les ravages et le gâchis causé dans les foyers par la frénésie d’achat suscitée, orchestrée de « main de maître », cupide et dantesque, par d’autres familles, celles de la grande distribution.

On trouve là le battoir à œufs électrique à la coque plastique jaunie, des piles d’assiettes ébréchées aux motifs désespérément floraux, du genre « pâquerettes rosées », des flacons de parfum à peine entamés et déjà délaissés pour un suivant et vieillis dans l’armoire de toilette en PVC qui descend avec eux sur le trottoir, pour la brocante annuelle.

Le bel ambre du liquide dans sa fiole, soudain livré aux rayons d’un soleil automnal, offre au regard, entre mille débris ménagers, téléphones à cadrans, transistors et réveils, BD écornées et cassettes des « bronzés 2 », des reflets d’or rouge, furtif enchantement visuel dans ce fatras de plastiques aux jaunes criards, au rouge sang ou aux éternels bleus lavande s’entrechoquant l'un l'autre.

On reste sans voix devant ces étalages presque obscènes du mauvais goût, de l’usure précoce et mal masquée, du démodé, du ringard qui ne sont au fond que la révélation posthume du marketing affligeant, du pousse-au-crime mercantile aussi, dont ont fait preuve les grandes surfaces et leurs « acheteurs en gros ».

Il y a évidemment dans ces déchèteries d’un genre nouveau, où le débris s’achète, quelques divines surprises, à dénicher entre les game boys du grand et la poussette du petit, aux traces de caca encore visibles.

Là un petit sucrier presque insolent d’élégance ; là un vieux numéro de « Paris Match » : on y voit en le feuilletant Georges Pompidou en Perse, chez le Shah.

Les brocantes sont paraît-il des « moments de convivialité » rares ( sic), à lire les comptes-rendus et à entendre certains organisateurs.

Peut-être, après tout, faut-il en évaluer, en apprécier l’utilité sociale ? Elle est réelle dans la mesure où tout ce qui contribue à l'animation du village est évidemment d'intérêt général : la municipalité est donc légitime dans le soutien qu'elle apporte à cette brocante, quelles qu'en soient les limites.

Mais qu’au moins, à VSD, parce que nous sommes l’un des plus beaux villages de Brie, nous concevions ensemble ce qui pourrait nous extraire de cette répétitivité atterrante, en imaginant par exemple d’ouvrir le même jour aux peintres amateurs,
de l’Aisne ou d’Ile-de-France,  nos paysages villageois, laissant libre cours à leur talent.

Ils poseraient leurs chevalets dans un village animé par les visiteurs de la brocante, qui trouveraient là une vraie source d’intérêt à leur visite à VSD, vivant la création d’œuvres picturales en direct dans nos rues dégagées du trafic automobile, dans nos cours, le long du ru, devant le château, etc…

Village des peintres d’un jour dans lequel notre foyer rural ouvrirait ses portes l’après-midi pour une exposition de leurs œuvres, et peut-être, remise d’un prix par un jury communal.

VSD trouverait  là l’opportunité, grâce à la rencontre des talents d’amateurs et d’un public, de promouvoir son image de village pittoresque, riche en patrimoine historique, fier de son identité.

Publié dans Carnets du quotidien

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