Saint-Vincent ou Saint-Paul ?

Publié le par Michel Aêt

Les vendanges commencent : Il était grand temps.

 Certaines grappes, dans certains rangs, trop mûres, s'altéraient déjà, au grand dam de nos vignerons.

Dans les cuisines de ceux-ci, on scrute aujourd'hui les prévisions météorologiques des chaines spécialisées cablées là où l'on invoquait les saints, il y a quelques décennies encore, pour protéger nos récoltes, faisant dire des messes et contribuant aux processions.

 Saint Vincent pour les raisins, le saint patron des vignerons...sauf à VSD et dans les environs, où Saint-Paul est invoqué en ses lieu et place.

 Pourquoi Saint-Paul ?

Un début d’explication, qui trouve son fondement dans des causes historiques très anciennes, tient peut-être au pèlerinage de Jouarre, où la crypte mérovingienne du VII ème siècle abritant les sépultures de plusieurs saints, s’appelle depuis sa construction la crypte Saint-Paul.

A Jouarre, rayonnante abbaye, où l’influence des chrétiens d’Orient fut grande, parmi lesquels Saint-Paul était particulièrement vénéré,  la présence de la croix copte dans le chœur de l’église abbatiale, sous les voûtes de laquelle s’élèvent toujours, aux matines et aux vêpres, dans leur fascinante et intemporelle répétition quotidienne, les voix pures des abbesses, en atteste encore, treize siècles après qu’elles aient déjà été gravées sur la pierre de sépultures mérovingiennes, encore visibles aujourd’hui, dans la crypte.

De Villiers, et de tous temps, on vint à pied en pèlerinage à Jouarre, sous la protection du seigneur et de sa petite troupe, tant la route était infestée de brigands.

On mettait plusieurs jours à effectuer cet itinéraire, jalonné de sanctuaires où faire halte pour prier et se placer sous la protection de saints localement honorés.

On faisait halte à Saint-Aulde, dont l’église du XII ème siècle abrite une statue de Saint-Fiacre en pierre du XV ème siècle, puis on allait invoquer Notre-Dame de la Cave, à Chamigny et prier dans la crypte aux trois nefs de l’église Saint-Etienne avant d’atteindre  la Ferté où l’on se restaurait, où l’on cherchait une cave voûtée pour se protéger du froid durant la nuit.

Puis on parvenait enfin, parfois au commencement d’un troisième jour de marche, à Jouarre, à l’entrée de l’église funéraire puis de la célèbre crypte, et commençait alors l’attente, parfois vaine, des pèlerins désireux de se recueillir devant les tombes des fondateurs de l’abbaye, saints ou considérés comme tels, dont on touchait la pierre tombale pour s’assurer de sa protection : les manants n’y étaient pas admis ; seuls y pénétraient le « seigneur de Villers » et autres chevaliers des seigneuries avoisinantes.

  se faisaient des rencontres avec nombre de pélerins, venus pour certains de lointaines contrées, pour d’autres de villages de Brie.

On évoquait ensemble les saints, on se laissait instruire par les plus cultivés d’entre eux, on recevait des gens d’Eglise, nombreux, des rudiments de connaissances théologiques et enseignements, pieusement écoutés à défaut d’être toujours compris par ces hommes de grande foi mais de si frustre culture.

Saint-Paul était au cœur de bien des discussions, de bien des invocations, de bien des prières.

Saint-Paul était à Jouarre une icône, un père de cette Eglise mérovingienne aux influences étonnantes, égyptiennes, coptes, aussi bien qu’indo-européennes, indiennes, puisque des Swastika sont visibles sur les sépultures du VIIème siècle de la crypte Saint-Paul.

Aussi est-il fort possible que depuis le Haut moyen-Âge, la vénération de Saint-Paul, «  l’avorton de Dieu » comme il se définissait lui-même, ce personnage exceptionnel auquel Alain DECAUX (1) a consacré une si passionnante biographie, ait été ramenée dans les « baluchons » de nos ancêtres paysans de Vilare, de cette terre de Vilers, devenue Villers puis Villiers, où vint à se cultiver la vigne, à s’élever le vin puis le Champagne, richesse et fierté premières de notre beau terroir.

Faut-il trouver là, sinon la raison unique, du moins l’une des explications plausibles, issue de la période médiévale, d’une invocation de Saint-Paul ?

Peut-être : ce n’est là qu’une hypothèse.

Lecteur, toi qui découvre ces lignes, si tu connais les causes de ce culte, éclaire-nous de ta lanterne ! 

 

(1)

L'avorton de Dieu
Une vie de saint Paul
Alain Decaux
Perrin / Desclée de Brouwer 21,50 euros 

Publié dans Carnets du quotidien

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