Un perron en forêt...

Publié le par Michel Aêt

Dimanche 29 avril; 18H00

Des grumes énormes, des chênes abattus couchés là, signalent l’entrée du chemin : il pénètre dans la forêt et l’emprunter vous fait entrer dans un monde végétal foisonnant, en cette fin d’après-midi d’avril à Villiers-Saint-Denis.


C’est sur la route de Bézy-le-Guéry, à l’orée du bois de Villiers, quelques mètres seulement après que la route se soit enfoncée sous les arbres.

Là, sur la droite de la Départementale, commence un chemin de défruit, large, aux lointaines perspectives ouvrant sur le vaste domaine forestier villiérois et dont les frondaisons dessinent une voûte de feuilles d’un vert printanier, lumineux, fluorescent.

Les fougères arborescentes ont commencé leur ascension au bord du chemin, les houx forment de petites feuilles aux tons Bordeaux et le sol laisse monter vers le promeneur mille vibrations imperceptibles et grouillements du monde des insectes désorientés, agités par la chaleur persistante d’une journée digne d’août :26 degrés dans le village, au thermomètre d’un balcon ombragé…

Il faut grimper lentement vers le sommet, redescendre ensuite vers une combe  puis se laisser enfin extraire de ce clair obscur délicieux du sous-bois au sol sablonneux pour gagner la pleine lumière du jour et apercevoir un perron en forêt. C’est celui de la maison forestière, qui vient d’être dégagée de la gangue d’arbres qui l’étouffait il y a peu encore, commençant à pénétrer sa toiture.

Elle paraît respirer, ses façades pâles semblent happer avec avidité la lumière du soir qui les inonde ; des pierres se détachent du perron déjà rongé par une végétation dont il vient d’être débarrassé.

Le spectacle est digne de ceux offerts par Julien GRACQ à ses lecteurs et les tas de bois fraîchement coupé qui entourent la maison témoignent encore de l’intensité de l’effort accompli pour reconquérir le lieu dont l’histoire rejaillit là, au terme de ce défrichage inattendu auquel le promeneur se trouve soudain confronté, au cœur du bois de Villiers, à cette croisée de chemins en forme d’étoile où convergèrent avant nous tant d’autres marcheurs, toujours apaisés par cette vision d’un toit au débouché de la futaie, havre humble aux murs élevés par ses bâtisseurs comme pour tenter d’atteindre la cime des plus hauts arbres l’entourant.

La porte est de métal plein, disproportionnée par rapport à l’édifice qu’il disgracie quelque peu ; on croît entendre le grincement de ses gonds, se refermant dans le dos de chasseurs venus s’y abriter et festoyer, après la battue : leurs silhouettes semblent s’apercevoir entre les fûts des chênes s’élevant alentour, un matin d’hiver, quand la buée sort des bouches de rabatteurs appelant au casse-croûte.

La maison dans la forêt, en ce jour d’avril finissant, accumule encore, malgré l’heure tardive, la chaleur d’un soleil généreux et chaud dans ses murs encore humides, et une fenêtre béante aspire l’air tiède du soir imprégné de l’odeur acre des colzas en fleur, sur son flanc ouest, vers les Garennes.

Quelques pas encore, le long du champ, et, à main gauche, dans un bosquet d’arbres hauts, s’aperçoit le mat rouillé d’une éolienne et le petit édifice, sur lequel est inscrit, dans le crépi, la mention « 1946 », au-dessus de l’abreuvoir.

Une eau croupissante se devine à travers les broussailles qui enserrent ce petit captage d’eau qui ne figure pas sur la carte IGN et qu’on aimerait voir dégagé, comme la maison dont on venait autrefois sans doute, pour remplir arrosoirs, citernes et faire boire les bêtes.

Publié dans Carnets du quotidien

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