La dernière messe...

Publié le par Michel Aêt

L'angélus s'entend encore, des côteaux où nombreux sont actuellement les habitants de Villiers-Saint-Denis, mobilisés par les vendanges...

Oui, il rythme toujours les travaux des champs et des vignes du timbre clair, à la sonorité belle et forte, que fait entendre la grosse cloche ancestrale, porté là-bas, par un vent d'automne encore doux, au-delà même des crêtes qui entourent VSD.

Pourtant, cet appel à la prière, qui a ponctué, de son tempo binaire, les journées de labeur de nos ancêtres sur cette vieille terre briarde portant ses ceps aux raisins si précieux, n'exprime plus bien souvent, aux oreilles de ceux qui l'entendent, qu'une sorte de veille horaire, signalant à 7H00 le départ imminent pour les parcelles ou, au soir, le retour à la maison.

VSD n'a plus de prêtre, ne forme plus en elle-même une paroisse de plein exercice, et la messe ne s'y dit plus que deux fois l'an : la dernière messe de 2006 y fut dite le samedi 2 septembre, veille de notre fête patronale.

Elle ne le sera plus avant 2007.


Ite missa est...

Ce 2 septembre, une soixantaine de paroissiens se comptaient sous les voûtes de notre église romane, soit le nombre qu'elle accueillait vraisemblablement il y a 800 ans, quand  les feux (1) recensés ici étaient de l'ordre de la dizaine et que chaque famille venait en force à l'office...

Nous sommes aujourd'hui près de 900 habitants...et 7% à peine de la population était donc là, en ce premier samedi de septembre, à la Sainte-Ingrid, recueillie et en prière autour du curé de Charly-sur-Marne.

Une certaine ferveur était perceptible bien sûr, sous-jacente mais sans nul doute
réelle dans l'assistance, trop contenue et à peine convenue peut-être.

Rien en tout cas ne permettait ce soir-là au fidèle de sentir dans le déroulement de l'office quoique ce fut qui l'eût différencié des messes auxquelles il assiste habituellement à Charly ou dans telle autre église du doyenné.


Rien, sinon quelques intentions de prière, bien sûr...car l'on meurt hélas à VSD et l'on s'y fait enterrer.

On s'y marie aussi parfois, fort heureusement !

Le sentiment retiré de cet office était celui d'une sorte de "tour de rôle obligatoire" et quelque peu artificiel, sorte de "figure imposée" (à regret) à un prêtre par son diocèse (2) afin de ne pas laisser en complète déshérence de culte des dizaines d'édifices religieux
(deux dizaines d'églises pour ce qui est de la paroisse à laquelle VSD est rattaché).

Sont-ils
désormais quasiment condamnés à laisser retentir par leurs cloches, dans la campagne alentour, un appel presque désespéré et vain à des prières qu'on ne dit plus dans leurs belles nefs closes ?

Ces dernières sont-elles vouées à ce silence des pierres qui, à l'image des tombes des petits cimetières qui les ceignent, ne font entendre aucune voix, aucun chant, aucune prière, aucune invocation autres que celles
des morts, intérieures à nous-mêmes et encore sonores dans nos mémoires ?

Parmi les chants, choisis avec soin pour la messe du 2 septembre à Villiers-Saint-Denis, on entendait pourtant s'élever ces paroles, chantées par les paroissiens présents :

"Ta parole est passage
Qui me dit un chemin"

Ils étaient soixante à les chanter, a capela, sans harmonium pour les accompagner, et leur élévation vers la voûte avait quelque chose d'émouvant, se faisant, par-delà les siècles, l' écho fervent mais pathétique de leurs ancêtres du XIIIème siècle.

Les paroles du Christ, lues dans les églises de village, telle que celle de Villiers-Saint-Denis, ne s'entendent plus que de loin en loin, hormis le soir, à l'angélus, pour qui sait encore lui donner son sens chrétien.

Sic transit gloria mundi...

(1) "Feu n.m. (lat. focus) : (...) 5.HIST. Ensemble de personnes regroupées autour du même foyer, qui constituait avant 1789 l'unité de base pour la répartition de l'impôt."(Le petit Larousse illustré, 1990)

(2) Il s'agit en l'occurence du diocèse de Soissons qui a son  site Web : http://diocesedesoissons.cef.fr/

Publié dans Carnets du quotidien

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