Itinéraire en "petite Suisse" , aux portes du village

Publié le par Michel Aêt

Fin d'après midi magnifique à VSD.

Temps clair, qui offrait dans un ciel limpide ce spectacle toujours fascinant des avions en "approche finale" de l'aéroport de Roissy : encore assez haut lorsqu'ils survolent Villiers-Saint-Denis, mais déjà visibles, les carlingues scintillantes de ces "grands boeings bleu de mer" nous emmènant en voyage, tandis que nous marchons dans nos vignes et que le chien, là-bas devant, court sur le chemin. 

On entend soudain dans nos têtes la voix de Robert Charlebois...

Les paysages, ce soir, étaient magiques, tels que Villiers-Saint-Denis  les offre aux promeneurs patients, qui savent attendre que le ciel se déchire soudain, tirant comme des rideaux des cieux mêlés pour libérer de grands prés d'azur, sortes d'alpages aériens où paissent de lointains moutons blancs.

Il faut s'extirper de la rêverie qui vous saisit quelques instants pour prendre la route qui grimpe vers le camping des Sapins, traversant un lotissement de maisons modernes et coquettes donnant une vue très belle sur les coteaux du Monthuy.

On atteint le camping, qu'on longe en prenant conscience du potentiel touristique exceptionnel de Villiers, encore  insuffisamment exploité par ses habitants.

La route prend fin et lui succède alors un chemin de terre, tel  ceux que la cavalerie de Napoléon fonçant vers le champ de bataille emprunta peut-être en 1814 pour rejoindre l'infanterie, chevaux ventre à terre, tous fers cliquetants et naseaux d'écume, tandis que les cavaliers fixaient leur regard sur la plaine et le bourg de Charly, dont le haut clocher sombre du XIIIème, ce 1er octobre 2006, s'élève avec austérité au-dessus de son cheptel de maisons claires, berger de pierre dans la vallée.

On est aux "Chalumards" puis au "Rez"; deux faisanes nous coupent la route et s'engagent dans un rang de vignes, trottinant l'une derrière l'autre sans hâte, les effrontées...

Le chemin rejoint alors la route goudronnée, ce petit ruban longiligne qui, très vite, nous fait entrer dans  le bois du Four et atteindre la ferme de la Canardière ainsi que sa petite ruine qui, sur le chemin d'accès, à l'orée de la forêt, semble constituer un étrange signal pour le visiteur.

Bientôt surgit à main droite un champ de maïs où les grains orangés, très mûrs, semblent s'extraire de leur gangue brune, dans un appel muet à la récolte.

On continue sur la route qui offre très vite des perspectives paysagères lointaines  teintées de ces mordorés que les soirs d'automne savent recéler, et qui se gravent en nos mémoires.

Quand ressurgiront-elles ? Un jour de grande souffrance peut-être, quand les horizons se bouchent et que l'on trace en soi des lignes d'espérance, alors imagées par cette sublime et réconfortante résurgence : voilà pourquoi il faut rouler avec empathie sur les lignes droites qui relient entre eux nos villages briards, quand nous sommes encore dans la force de l'âge...

Continuez, vous serez bientôt à cette intersection qui signale, par une pancarte vieillissante, Villiers-Saint-Denis sur votre gauche : elle surplombe de petits panneaux portant les mentions "Beaurepaire", "La masure" et "Ferme neuve".

On entre alors, entre Charly-sur-Marne et Villiers-Saint-Denis, dans ce qui est une "petite Suisse" du canton, un petit territoire circonscrit par les bois qui  le bordent à gauche et ouvert à droite sur le plateau de Brie, où l'on croit deviner, régnant encore en maîtres des lieux,  des personnages à la Giono,  vivant dans leurs domaines respectifs, voisins mais seulement voisins les uns des autres, s'observant avec intransigeance et vigilance, imprimant à leurs parcelles respectives une empreinte humaine héritée de générations de laboureurs, d'éleveurs veillant à leurs pâturages, dont les verts tapissent élégamment le paysage livré au regard de l'automobiliste.

Bien sûr, "Beaurepaire" est, des trois, le domaine qui a la plus fière et historique allure, avec sa tour, sa bâtisse quasi seigneuriale, sa mare, ses murs d'enceinte, son allée qui y conduit avec une vraie majesté, son organisation rectangulaire digne des plus grands domaines agricoles d'Ile-de-France.

Mais l'arrivée à "La masure" est buccolique: les prés, à main gauche, semblent éclairer le paysage de leurs verts intenses, et derrière les murs peu avenants qu'on voit d'emblée de la route, s'aperçoit vite une maison élégante, haute, chargée comme la barque de souvenirs de ces bonheurs et de ces drames familiaux propres aux grandes familles briardes, là au fond de la cour.

Le visiteur sait qu'on eut ici la foi la plus irradiante puisque Notre-Dame de Confiance y fut érigée sur le bord du chemin, belle statue d'un blanc immaculé au visage de vierge rurale sereine et confondante, qu'on ne peut immédiatement quitter du regard.

Il faut néanmoins reprendre la route qui surplombe le ru des Escouffières et parvenir enfin à Villiers-Saint-Denis en passant par "Ferme neuve" : elle n'a pas d'article, "ferme neuve", parce qu'il n'y a qu'elle sans doute; non pas "la ferme neuve", qui serait présente là comme ailleurs, mais "Ferme neuve", l'unique, cachée là dans un écrin de verdure au bout de son chemin privatif, en contrebas de la route, et qu'on devine dans sa beauté rurale de grande maison couverte de feuilles, au bord du ruisseau.

Elle semble ponctuer d'une marque finale l'itinéraire accompli dans ce val d'Escouffières et qui est un enchantement, une sorte de défilé de scènes champêtres que la vision d'un troupeau de vaches de près de cinquante têtes paissant sur le coteau, face au cimetière de Villiers-Saint-Denis, vient parachever.

On entre dans Villiers-Saint-Denis en effet : retour au village qu'on a quitté par un camping très "années 70", il y a vingt minutes, et qu'on regagne après un trajet aux dimensions rousseauistes : époustouflant village, décidément !

 

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