Cette "ruralité qui ne ment pas"...

Publié le par Michel Aêt

Monsieur Dutreil nous quitte et il vient d'écrire aux habitants de Villiers, comme à ceux des autres communes du canton, sur papier glacé, avec sa photo en couleur, en chemise et rayonnant, le visage illuminé sans doute par ses perspectives rémoises...

Le document était dans les boites aux lettres, vendredi 1er septembre.

" C'est avec vous, nous écrit-il, que j'ai découvert la vie politique, sous son aspect le plus heureux, celui d'une ruralité qui ne ment pas. (...) "

Étonnante et curieuse formule : " la ruralité ne ment pas."

Elle est, à un mot près, au demeurant quasi synonyme ( "ruralité" au lieu de "terre" ), la reprise de la phrase du maréchal Pétain, alors chef de l'État français, c'est-à-dire du gouvernement collaborateur de Vichy de pénible mémoire, dans un discours resté ( tristement) célèbre.

Pétain avait déclaré : "La terre, elle, ne ment pas." (1)

Comment un ministre de la République, aussi lettré que monsieur Dutreil, ancien élève de l'école normale supérieure où l'on apprend l'excellence dans le maniement des mots, peut-il, en 2006, dans une lettre ouverte largement diffusée, faire ainsi explicitement référence à la pensée et à l'idéologie " maréchaliste " , sauf à l'avoir expressément voulu - mais alors pourquoi ? - ou sauf à l'avoir laissé inconsciemment filer sous la plûme ?

Plus d'un lecteur ici, à VSD, en reste saisi, tant il semble impensable qu'un membre du gouvernement s'adressant aux citoyens du canton qu'il s'apprète à quitter pour recommander le candidat qu'il soutient à sa succession, puisse se réapproprier une citation connue pour ses résonances idéologiques pernicieuses, véhiculant une pensée ayant hélas conduit aux dérives que chacun connaît du régime de Vichy, à l'égard de tant de français qui n'étaient pas issus de cette "terre qui ne ment pas" ou dont les valeurs n'étaient pas celles dites de "la terre" au sens où l'entendait le maréchal...

La croix de Lorraine du rond-point des Illettes en vacillerait presque sur ses bases, au chef-lieu de canton !

(1) Voir à propos de cette citation et du discours du 25 juin 1940 dont elle est extraite l'excellent dossier qu'y a consacré le Centre national de Documentation Pédagogique ( CNDP) :
www.cndp.fr/memoire/resistance/pdf/Concours_resistance_7-12.pdf


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